« Hic sunt dracones »
Mon univers artistique s’articule autour de l’humain et de ses émotions, de l’empreinte et de l’intime… Le travail du corps m’est indispensable, peut être une réminiscence de mon métier d’infirmière. Je le peints, le sculpte dans des matériaux divers tels fil de fer, papier, tissus anciens, fils, objets de récupération… Quelquefois l’utilisation du moulage d’une partie d’un corps donne une dimension humaine vive à l’oeuvre. La matière qui aux sources de mon travail était solide, dure, devient avec le temps plus malléable, légère, inconstante parfois. Je retrouve les gestes féminins du tissage et crée des sculptures en fil de fer, faites de transparences, une surface comme une peau mais ou le regard ne peut être stoppé. Lentement dans un temps méditatif je donne naissance à un peuple de formes humaines qui nous attirent vers l’au delà des apparences. Sensation de fragilité et de force, corps transparents, fragiles et forts, gestes essentiels captés dans leur course, courbes suspendues, jeux de lumières et d’ombres. Les têtes s’amenuisent, les dos s’effilent, les membres s’absentent, les visages disparaissent. La peau s’évanouit, rendant visible l’invisible.
Ici il y a des dragons
Les notions de frontières, de refuges, d’exil sont au coeur de l‘actualité. Mon travail actuel questionne ces notions de mobilités, de migrations, de trajectoires, de territoires.
Entre rêves et nécessités… économiques, familiales, climatiques, sanitaires, politiques, religieuses… la migration est un phénomène probablement aussi ancien que l’humanité. Les mers et les montagnes, les routes et les sentiers sont des lieux de passages lors de ces déplacements volontaires ou
contraints. Les régions de montagne, et donc aussi l’arc alpin, ont toujours été marqués par des mouvements migratoires. Marchands, contrebandiers, travailleurs ambulants, déplacés, réfugiés…
« Hic sunt dracones » (en latin, littéralement, « Ici sont des dragons ») est une phrase apparaissant en cartographie médiévale et utilisée pour désigner des territoires dangereux ou encore inconnus, imitant en cela une pratique courante de mettre serpents de mer et autres créatures mythologiques dans les zones vierges d’une carte.
Dans cette recherche en cours plusieurs éléments sont déjà là.
L’Eldorado…
Une série de pieds, traces d’hommes, de femmes et d’enfants, en marche ou figés comme en attente, ancrés dans le sol ou en mouvance, trajectoires de vies … s’agrandit à chaque nouvelle rencontre. Pour ce travail des moulages de pied ont été effectués sur des « passants anonymes », dans des lieux variés ou j’ai eu l’occasion de faire des expositions ou des résidences, lors de rencontres fortuites…et sont supports de découpage de plans de ville, de cartes routières et autres.
Un pas, un autre pas, une terre, une autre terre, l’errance d’un espoir, à la recherche d’un eldorado, contrée fantasmée, lieu de libertés, promesse d’opulence, désir d’un ailleurs meilleur. Au fil de l’itinérance, la carte routière, découpée, morcelée devient un lieu géographique sans repère, un entrelacs de lignes, les nouvelles routes d’une histoire en suspens. Les contours géographiques sont flous, rues et ruelles, lignes de relief, rivières et routes, frontières sont menus tronçons sans aucune indication, réduits en bouts de tracés, et se croisent, se heurtent, se chevauchent , dessinant des itinéraires inconnus, des territoires hostiles, incompréhensibles, des lieux sans mémoire. Au bout de la marche incessante, les rêves d’espoir se heurtent brutalement aux parois de cet eldorado imaginé. ( travail en cours)
Les « Hommes-papillons… »
Venus d’un ailleurs de bruits pesants, de terres piétinées, d’espaces de haine, attirés par les lueurs d’un autre ailleurs, d’un monde d’ espoirs, souvent d’un monde rêvé, idéalisé… Passagers éphémères, seront-ils accueillis? Pourront-ils rester? S’arrêteront-ils un temps ou devront-ils continuer toujours plus loin? Traverser encore les frontières, les rochers inhospitaliers, les mers furieuses?…
Un personnage en fil de fer de 2m de hauteur est déjà réalisé.UN autre suit, en cours de réalisation…la couverture de survie dorée le recouvre .
(travail en cours)
Terra incognita
Avec le développement des sociétés de
géographie, au xixe siècle, la mention de terra
incognita a peu à peu disparu des cartes.
Pourtant dans ces temps de errances, de voyages
vers l’inconnu, des rêves de recommencer une vie
sur une terre étrangère, de se réinventer un
lendemain la notion de terra incognita me semble
d’actualité. Celui qui n’est pas attaché n’est pas
libre, il est errant. Privés de terre, arrachés à ce qui
faisait leur existence quotidienne, celle d’un
humain avec ses habitudes, ses lieux, ses
vêtements, son lit, sa nourriture, sa foi ou non, ses
proches, ses racines…ces hommes et ces femmes
pourront ils se reposer, rester, s’arrêteront-ils un
temps ou devront-ils continuer toujours plus loin,
traverser encore les frontières, les rochers
inhospitaliers, les mers furieuses…
Une vie sur une terre étrangère, découvrir un
nouvel horizon, réinventer un lendemain… L’exil
est une aventure humaine complexe, sensible,
souvent douloureuse.
(travail en cours)
Mare
( travail en cours – broderie mer méditerrannée-cartes marines)
Oublier le ciel
brulé
les sillons dechirés
des terres stériles
le regard tendu vers
un ailleurs rempli
de promesses dorées.
Sur l’océan des illusions
la barque dérive
jours nuits nuits jours
balancement de temps vomissements
de prières cris noués
instants aveugles à force
de néant.
Puis l’épave brisée
sur la fin de la mer
une autre terre
improbable refuge
regards échoués
mains tendues
corps vidés
Et d’autres mains qui
repoussent.
L’horizon noir
rétrécit
dans les yeux
des hommes immobiles.
les rêves explosent.
Quelques travaux en collaboration commencés il y a plusieurs années:
– « La marche silencieuse » (de femmes, résistance muette, révolte silencieuse face aux conflits)
– « La Recluse » (En collaboration avec Eric Lorré. Installation interactive qui donne vie à une jeune femme recluse, le spectateur cherchant grâce à un stéthoscope dans les fils de métal la parole enfouie)
– « Goutte de silence » (Crée lors d’une résidence à l’abbaye de Boscodon. Installation interactive qui nous laisse à entendre les « mots du silence », mots recueillis auprès des personnes vivant à l’abbaye ou la visitant).
– « Fil de femme, fil de faire » ( En collaboration avec Agnes Dumouchel , conteuse, et le centre de l’Oralité de Gap. Interviews, récits de vie et création graphique dont une partie met en lumière les non dits et les
silences qui existent encore aujourd’hui autour de la transmission féminine)…
– « Au fil du rail, paroles de femmes » (Conte -expo en collaboration avec A.Dumouchel conteuse et le musée du rail de Veynes)
– « Quotidien-cotidiano » (En collaboration avec deux artistes colombiennes lors d’une résidence à St Mathieu de Treviers. Illustration montrant la ligne cyclique du temps que représente le quotidien-interviews et échanges avec la population)
– « Mémoires silencieuses » (Travail sur l’absence, le deuil, silence du temps qui tisse son linceul. Un travail mené conjointement avec les scolaires autour du coeur a été réalisé et présenté dans le cadre de cette exposition)
– « 4 Dialogues – F comme… » (En collaboration avec N.Rak autour de l’intimité et du féminin à la galerie municipale de la Grange à Gap)