« La Distorsion qui habite le Monde »

Quand on regarde la pochette du disque « In the court of the Kimson King » par Barry Godber, on se dit qu’on a affaire avec Eric Demelis, à la même obsession effarante : il faut que la distorsion qui habite le monde soit exprimée. 

C’est la raison pour laquelle tous ces monstres nous paraissent incroyablement familiers. C’est sans fin, parfois c’est si récurrent qu’il est nécessaire de nous montrer la simultanéité des déformations. La couleur, parfois, calme le jeu et ancre paradoxalement davantage l’erreur génétique communément partagée dans un réel presque bucolique.     Emmanuel Merle ( 2018 )

Eric Demelis

Qui a déjà affronté les créations d’Eric Demelis retrouvera, à l’évidence, certains traits constitutifs de son œuvre. Il y’a d’abord un amour inconditionnel du dessin, celui de la face, du visage, pour l’essentiel. Les figures humaines pullulent, s’entrecroisent, s’entrelacent, jusqu’à former un vaste conglomérat qui va jusqu’à saturer l’espace de la représentation, bien que leur singularité demeure vivace. La société, le monde, la vie en somme, c’est ainsi. Comme le disait un grand philosophe du 17ème siècle, Spinoza, « des corps composent avec des corps ». On se frotte, s’accroche, se délie ou s’aime, c’est toujours sans le commandement de la rencontre qu’advient un machin-vivant. A côté de ces déroutantes agglomérations, de la place est faite pour des motifs particuliers, plus épurés, faces ou silhouettes.

Me touche particulièrement la série réalisée au crayon de couleur. Elle me fait irrésistiblement penser à l’Art africain, plus précisément à la statuaire de l’Ouest. Les traits y sont délibérément exagérés ou diminués, et dans cette métamorphose consentie, on parvient à une adéquation plutôt troublante ou tremblante, au réel du corps. Il y’a aussi cette belle conjugaison entre le texte et l’image avec les auteurs Armand Dupuy et Perrin Langda. Elle se réalise dans maints formats. On ne sait qui a initié l’un ou l’autre, mais peu importe au fond. Ce sont des adages, parfois des aphorismes, des formules banales qui se glissent au travers des têtes improbables. Car, qu’est-ce qu’une caboche, sinon un lieu où gisent et circulent, jour et nuit, des masses de propos incohérents, au mieux surréalistes. Ceci m’évoque le terme de « grotesque », dont il faut vérifier l’origine italienne indiquant la caricature. Il s’agit, ici ou là, d’ornements nés dans les grottes, lieux de recueillement. Aussi s’en tiendra-t-on à cette banale constatation. Le portrait n’existe pas pour magnifier la face humaine, selon un idéal classique, où elle constituerait l’essentiel de l’être. Vaille que vaille, pas question ici de faire grise ou triste mine, c’est juste du graphite ou de l’encre de chine. Quant à la tête qu’on a, la mérite-t-on ? A vous d’en décider.

Laurent Henrichs, 9 septembre 2017

                                                                                               

Eric DEMELIS

Infibulation

Dans le monde, on estime à 130 millions le nombre de femmes mutilées sexuellement. Chaque année, 2 à 3 millions de fillettes et de jeunes femmes subissent une mutilation sexuelle féminine (excision et/ou infibulation).

L’infibulation est la suture de la majeure partie des grandes ou des petites lèvres de la vulve, ne laissant qu’une petite ouverture pour que l’urine et les menstruations puissent s’écouler. Elle est habituellement pratiquée sur une enfant prépubère dans le but de lui empêcher tout rapport sexuel vaginal.

Ici la bouche mise à la verticale évoque la sexualité (une vulve), la sensualité (un corset de femme), la brutalité (les mutilations sexuelles).

Cette série de 35 bouches cousues rend aussi compte de la censure faite aux femmes et à leur incapacité à sortir de cet asservissement aux désirs masculins.

Vera Icona

« Quand une femme parle, elle en inspire une autre, c’est important. Le temps de la solidarité mondiale est venu. » 
Elif Shakaf

Cette série fait directement référence à l’iconographie du voile de Véronique représentant le visage du Christ révélé sur le linge.

Ici, sur des linges, 35 visages de femmes voilées de cheveux éparses symbolisent la féminité. Dans l’histoire du monde, de nombreux exemples montrent le lien systématique entre les cheveux des femmes et leur séduction. Et dans la barbarie faite aux femmes, la tonte de leur chevelure est le symbole de son déshonneur. Féminité si fragile …

This is not consent

Irlande 2018, un homme de 27 ans est accusé du viol d’une adolescente de 17 ans à Cork. Ce dernier a été acquitté. A croire que le défense de son avocate a convaincu…

Vous devez regarder la façon dont elle était habillée. Elle portait un string en dentelle!”. Ces mots sont ceux de son avocate, Elisabeth O’Connel.

 

Un string en dentelle comme preuve de consentement ? Au cours de sa plaidoirie, l’avocate de l’accusé a fait valoir les sous-vêtements de la victime présumée …

Pour s’indigner contre le verdict du procès, la députée Ruth Coppinger a arboré un string en dentelle en pleine séance du Parlement irlandais. La députée entendait ainsi dénoncer la défense de l’avocate d’un homme…

Des femmes indignées acceptent de me prêter ce petit bout de tissu, symbole de culpabilité supposé, que je dessine épinglé.

Corpus Christi

Le diptyque intitulé Corpus Christi aborde la question du rapport du christianisme au corps et plus précisément au corps féminin, exclu par son indignité supposée. Depuis Ève jusqu’à la sorcière du Moyen Âge, le corps de la femme est lieu d’élection diabolique.Proposer un Christ féminin, c’est interroger l’histoire : qu’aurait été l’humanité si le Christ avait été une femme ? Une femme crucifiée c’est dire aussi l’asphyxie des sociétés viriles. 

1011 expose la Femme

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