Que cherche Muriel Dorembus dans ses paysages désertés, pleines mers, monts et vallées, ses figures lacérées et muettes, parfois excentriques ? Peut-être réincarner des mondes disparus, les figures des aïeux, les paysages des ailleurs… Du fond de ses yeux clos naissent des images aux visages absents ou aux cieux blancs. Les couleurs, dans leurs présences tenues et ténues scintillent, telles des pépites au sein de sédiments et concrétions de gris et de bruns délavés, érodés par les pluies et les orages. Ne reste que la minéralité de l’absence. Muriel Dorembus ne veut rien, rien cerner, rien enfermer, elle nous ouvre juste les horizons et les regards de son intime silence. Artiste patiente et obstinée, elle guette le miracle des apparitions au risque de disparitions et destructions radicales. Feuille après feuille, la peinture se structure, s’affine pour inventer une écriture, le livre peint d’un monde intérieur. Michel Vautier, artiste peintre.
Nourrie par la parole et l’écrit, fascinée par la puissance évocatrice des mots et par la vibration énigmatique des corps, chercheuse de sens, de sons, de liens, j’ai longtemps ignoré la forme et refusé toute association visuelle. Il me faudra trente ans pour entrer dans la représentation des idées par la couleur et la matière. Peindre est cet acte métaphorique extrême qui rassemble toutes les formes de langage, inscrit du vivant à tous les indicatifs et me permet de passer du non-dit au lieu-dit. Depuis ce passage, la peinture est le lieu où je vis et travaille.
Longtemps mes interactions avec les animaux étaient celle d’une petite fille étonnée que cette diversité puisse exister. L’observation méticuleuse de toute espèce qui rampait, qui courrait ou marchait avec parcimonie devant moi, me demandait une attention précise, je les mémorisais et les dessinais. Des heures passées devant les documentaires m’ont poussée à vouloir devenir zoologiste, entomologiste. Je continuais à les dessiner de plus en plus précisément. J’ai collecté avec un enchantement meurtrier certes, de papillons géants, des scarabées brillants et lisses, des grosses fourmis noires dans ma petite boîte de feutres de couleurs. Des couleuvres glissantes, des oiseaux morts en bas des arbres, une chauve-souris, des cocons de vers à soie que j’emmenais fière à l’école primaire.
Les dessins ont évolué, mes rêves de chercheuse se sont retournés vers moi, vers l’anthropologie et l’ethnologie et c’est en allant m’inscrire à la faculté de Sciences Naturelles, que j’ai bifurqué littéralement en prenant une de ses diagonales qui caractérisent ma ville en Argentine, pour aller vers l’école de Beaux Arts « voir ». J’ai vu, j’ai adoré et j’ai pris cette décision qui a défini mon parcours depuis. Mais mon étonnement est resté intact! Cette fascination de l’autre…
Pendant de longues années je suis venue à la représentation presque exclusive du corps humain, les autres animaux étaient comme un accessoire, des accompagnateurs. J’étais habitée par une sorte d’égocentrisme nécessaire, une reconnaissance de soi. Maintenant, face à toutes ces espèces qui disparaissent chaque année, à cette souffrance animale tant de fois constatée, à cette indifférence systématique de notre part, j’ai la certitude absolue que tout animal que nous sommes, nous allons vers un même destin. Et cette série a fait surface abruptement cet été. Elle s’étend encore chaque jour. Une entente animale, une interrogation, une reconnaissance cette fois-ci d’eux avec nous, un très humble geste, une admiration encore intacte.
Virginia Alfonso Calace
Jeu des métamorphose IJeu des métamorphose IIMaternitéJeux d’imitation IJeux des métamorphose IIIJeux d’imitations IIOso BlancoPájaro IPájaro IIIPájaro II
Manhattan est le paysage urbain par excellence. Représenter sa texture, ses lumières, sa géométrie si particulière est mon ambition depuis plusieurs années.
Tout y est affaire de rythmes architecturaux répétitifs, de perspectives infinies, d’éclats éblouissants du ciel, de clairs-obscurs et reflets où les détails s’effacent au profit d’une vision d’ensemble, mouvante et instable. Plus que le paysage proprement dit, on y voit le vertige démesuré qu’il provoque.
« L’acier, le verre, la brique, le béton seront les matériaux des gratte-ciel. Entassés dans l’île étroite, les édifices aux mille fenêtres se dresseront, étincelants, pyramides sur pyramides, sommets de nuages blancs au-dessus des orages. Le crépuscule arrondit délicatement les angles droits des rues. L’obscurité pèse sur la ville d’asphalte fumant, écrase les châssis des fenêtres, les réclames, les cheminées, les réservoirs, les ventilateurs, les échelles de sauvetage, … ». Dos Passos dans Manhattan transfer
« Et l’angoisse au fond des rues à gratte-ciel Levant des yeux de chouette parmi l’éclipse du soleil. Sulfureuse ta lumière et les flûts livides, dont les têtes foudroient le ciel. Les gratte-ciel qui défient les cyclones sur leurs muscles d’acier et leur peau patinée de pierres. ». Sedar Senghor dans Ethiopiques (extrait de A New York)
Wall StreetChanin Building
Compositions acidulées
Ce travail est le fruit d’un jeu entre l’abstraction
et le figuratif.
La frontière réel/irréel est y volontairement floue,
les objets sans identité.
Selon son imagination, on y verra de simples formes
arrondies aux couleurs vives ou la suggestion de fruits, perles, entassement de
jouets… Car les objets figurés ont gardé une logique physique bien réelle,
jusque dans leur traitement en composition de natures mortes.
Ici, j’ai utilisé l’infographie, qui lisse et acidule
le geste graphique.
Le pinceau, discret, est encore là, car je peins avec
ma tablette numérique.
« Je ne me rappelle pas précisément quand a commencé mon travail artistique, mais les images d’enfance me ramènent vers moi toute petite en train de dessiner et de jouer avec mes crayons de couleur sur chaque petit bout de papier qui se trouvait à ma portée.
Avec le temps j’ai perfectionné ma technique de dessin et de peinture priorisant toujours la figure humaine et l’hyper réalisme comme moyen d’expression. En cherchant un style propre, resurgi l’image d’une photo de ma grand-mère, petite fille alors habillée pour le carnaval. Cela a été le début d’une série sur la petite enfance, l’enfance et l’adolescence que je continue maintenant avec mes proches et mon petit garçon.
Mon passage par la scénographie, à la faculté des Beaux Arts, m’a donné la maitrise de l’espace et de l’ambiance qui se reflètent dans mon œuvre. Les ludiques trames comme décors, habillent et donnent sens à mon travail.
L’utilisation principale du crayon papier me permet de proposer un discours poétique avec les outils de l’enfance et ses multiples souvenirs. La réalisation plastique regorge alors de charges affectives comme vision d’un monde intérieur ». Eleonora BURRY
Niña Pajarito I Niña Pajarito IIFin del Juego El cuidado del Jardín Casitas ambulantes II Maternidad II Maternidad I
A propos des jeux…
Claude Lévi-Strauss disait, «L’enfance est la machinerie qui
transforme la pure langue pré-babélique en discours humain, la
nature en histoire. »
Babel, une véritable expérience inaugural pour l’humanité, les
premiers tâtonnements de l’enfance comme origine
transcendantal de l’histoire. Cette patrie originaire de l’enfance
doit continuer à voyager vers l’enfance à travers l’enfance.
Et c’est ce voyage qui nous propose Eleonora Burry avec ces
enfants atemporels, leurs jeux et leurs jouets. L’enfance a quelque
chose à nous dire depuis les profondeurs du temps.
C’est connu que l’origine des différentes sphères du jeux sont liées
profondément au sacré ; les jeux que nous connaissons peuvent
être reconnus dans les anciennes danses, lutes rituelles et
pratiques divinatoires.
Dans le jeux survit le rite, en jouant, l’homme se détache du temps
sacré et l’ « oublie » dans le temps humain. Mais aussi l’humanité
invente des jeux en marge du sacré, créant de jouets par la
miniaturisation d’objets quotidiens qui appartiennent à la sphère
pratico-économique.
Quelle est alors l’essence du jouet ?
Ce que le jouet conserve de son modèle sacré ou économique, ce
qui survit à la miniaturisation ou au démembrement, n’est pas
autre chose que la temporalité humaine qui était contenue en eux,
sa pure essence historique.
Avec un excellent dessin d’une extrême subtilité, Eleonora Burry
nous mène devant la question de savoir si nous pouvons
continuer à jouer dans la forêt pendant que le loup est encore là…
Jusqu’à aujourd’hui nous pouvions.
Mais maintenant le loup sévit de plus en plus près, de millions et
de millions d’enfants affamés, dans la rue, saccagées par les
guerres et de plus en plus de loups trop voraces, trop assassins.
Eleonora Burry nous propose de prendre conscience de notre
responsabilité face à eux, de leur permettre de grandir en jouant
dans un monde de liberté et d’amour.