Christiane COPPÉ

Une perception fragmentée du monde, née d’un trouble intérieur, d’une perméabilité à la vitesse.
Depuis 2018, je poursuis une exploration photographique façonnée par le mouvement, par l’instant suspendu entre perception et disparition. Fragmentations est une série née d’un sentiment diffus : celui de la fragilité intérieure projetée sur l’environnement, d’une vision traversée par l’accélération du temps et l’incessant flot d’images.
À travers mes déplacements – en train, en voiture, à pied – j’enregistre une réalité en glissement, une réalité que la vitesse vient distordre, déformer, morceler. Les images sont captées directement à la prise de vue, sans construction ni anticipation. Elles surgissent d’un état d’attention intermittente, d’un rapport à l’espace altéré, comme si un autre monde s’ouvrait, par fragments, dans les marges de ma conscience.
Il ne s’agit pas de documenter des lieux. Il s’agit d’un regard intérieur projeté sur l’extérieur. Les figures se brisent, les paysages se dissolvent, les repères vacillent. L’abstraction s’invite dans l’image, parfois proche de la peinture, du graphisme ou du souvenir flou. Myope et souvent sans lunettes, je cherche à restituer cette autre manière de voir, plus sensorielle qu’analytique, plus émotionnelle que descriptive.
Les images viennent de partout – France, Afrique du Sud, ou d’un non-lieu entre les deux. Parfois le lieu importe moins que le mouvement : le train devient un cadre, un espace mental plus qu’un simple moyen de transport. La vitesse devient un outil de création. L’appareil ne fige plus un instant ; il capte un glissement, un effacement, une trace.
Fragmentations interroge la rémanence des images : celles que l’on ne voit pas mais qui s’impriment malgré tout dans notre mémoire. C’est une tentative de fixer l’invisible, de donner une forme à ces visions subliminales qui accompagnent notre quotidien sans jamais se dévoiler totalement.





Âmes en transit est né d’une immersion sensorielle et spirituelle au cœur du cimetière des Fontanelles à Naples. Dans cette grotte de tuf, refuge de plus de 250.000 âmes anonymes, victimes de pestes, éruptions, famines et révoltes, le temps semble suspendu. Ce lieu, bien plus qu’un ossuaire, est un sanctuaire vivant où les Napolitains ont, pendant des siècles, instauré un dialogue avec l’invisible à travers le culte des âmes « pezzentelle ». Chaque crâne adopté devenait un intermédiaire entre les mondes, honoré, prié, sollicité.
Aujourd’hui encore, malgré l’interdiction du culte en 1969, les offrandes réapparaissent, modernes, témoins d’un lien qui persiste. L’énergie du lieu, loin d’être morbide, enveloppe le visiteur d’une paix énigmatique. Les âmes semblent paisibles, présentes, peut-être libres d’errer à leur guise dans la ville.
C’est cette sensation troublante qui traverse les images de l’exposition : visages évanescents dans les reflets des transports en commun, silhouettes capturées comme des apparitions furtives. En photographiant ces instants, j’ai tenté de saisir la trace de ces présences imperceptibles — âmes en transit, figures de passage entre visible et invisible.
Chaque photographie, réalisée à l’aide d’un appareil compact Lumix et d’un iPhone, puis retravaillée avec des applications mobiles, explore cette frontière poreuse entre le monde des vivants et celui des disparus. Naples devient ici un théâtre d’apparitions, une ville où la matière et l’esprit se frôlent à chaque coin de rue.
Christiane Coppé




Sandrine Rossi
COIFFES
Depuis longtemps je crée toutes sortes de choses. Je suis passée par le costume, l’accessoire et le
décor de scène, les chapeaux, les sacs à mains et les accessoires de prêt à porter, le théâtre, la danse
et la performance artistique.
Ces chemins m’ont menée à créer aujourd’hui des coiffes. Ce travail est l’aboutissement de mon
expérience créatrice, de mon intérêt pour toutes les matières, de ma sensibilité au monde naturel qu’il
soit végétal, animal ou minéral et de mon sens du « ré-emploi ».
Je collecte toute sortes de matériaux pour les utiliser en les détournant de leur fonction première. Je les
valorise en composant avec la particularité de chacun d’entre eux pour les intégrer à mes créations,
dans une composition hétéroclite et esthétique, sans distinction de valeur .
Qu’il soit « noble », « toc » ou « déchet »,
chaque fragment trouve sa place au cœur des coiffes et créé ainsi la singularité de celle-ci.


