Sculptures de Ch.Madies
« Je travaille depuis plus de trente ans en Italie, à Pietrasanta près de Carrare et ses carrières de marbre.
C’est un lieu magique pour les sculpteurs, avec une tradition du travail du marbre vieille de deux mille ans. Non seulement le marbre, mais aussi une grande variété de pierres sont débitées et travaillées à cet endroit.
J’ai voulu utiliser des pierres de couleurs différentes pour façonner les petites sculptures sur le thème qui m’est cher, celui de la fluidité: sculpter ce matériau lourd, compact et dense qu’est la pierre de sorte qu’elle devienne légère, comme liquide, animée d’ondes qui parfois laissent transparaître la lumière.
» Tout vient à moi, m’enserre et se fait pierre »
Ce vers de Rainer Maria Rilke m’avait frappé. Il évoque pour moi un processus de pétrification, un amenuisement de l’être face aux épreuves de la vie.
On oublie qu’il existe différents états de la matière et qu’elle peut passer de l’un à l’autre, du solide au liquide par exemple.
La pierre elle-même, en apparence statique et immuable, peut devenir fluide lorsqu’elle est soumise à des températures extrêmes.
Sculpter pour moi c’est tenter de décrire cette transmutation. Donner à la pierre et retrouver à travers ce travail de la souplesse, de la douceur, de la légèreté. Se dégager de sa gangue. Se mettre en mouvement. »
Collages de C. Basset
Il y a quelque chose qui pointe. Qui dérange la surface. Un déplacement. Un gonflement.
Des images de Catherine Basset ou de la pierre de Christine Madies, quelque chose veut sortir.
Cela prend souvent des formes voutées. Tout juste entre contrainte et débordement.
On y voit des transparences, des superpositions. Des couches, des densités.
Catherine Basset, lignée surréaliste, dérange les images, y compris celles prises par son père René, étendues à d’autres mondes. Lyonnaise, biologiste de formation, elle a pris longtemps les cours du soir de l’Ecole des Beaux-Arts. Certainement fouillé dans les tiroirs de son papa. Et puis, depuis la marge, elle s’est petit à petit faite dévorée, trouvant son propre langage entre macro et micro, entre l’objectif et l’échappé. Détourant les archives, recoupant les motifs, elle se fait en collant l’ethnologue de contrées entrevues.
Christine Madies, fait, elle, d’un geste franc, des trésors de souplesse. Elle compose des ondes avec les roches de la région de Carrare, qu’elle habite depuis plus de 30 ans. Un coup dans la masse, déjà disparue. Le marbre devient liquide. Du bout des doigts, sa surface caressante renouvelle 2000 ans d’invitation. A toucher, à sentir, à envelopper. A mesurer toutes les possibilités plastiques et sensuelles offertes par un matériel si exigeant. Elle fût assistante sociale mais c’est maintenant tout ce qui l’occupe : extraire le léger du dense, sortir du marbre l’expression.
Heidi Rafier