« Jardin intérieur, jardin secret… Le jardin lieu de repli sur soi, pour oublier, se souvenir, coupé du reste du monde, mais aussi lieu de vie, de naissance et de renaissance. Quand je dessine, je pars en exploration, voyage de l’intime… alors des formes se dessinent, graines en devenir, coquilles protectrices, enveloppes…
Un lien fort avec la nature, qui se retrouve dans des formes épurées dans mes dessins, s’exprime bien sur dans mon travail, formes légères qui s’échappent, ou formes ancrées, enracinées… J’essaye de traduire les vibrations et échos du monde qui m’entoure…
Le jardin, lieu de méditation, lieu préservé, devient le lieu d’un rêve, d’une invitation au voyage entre ciel et terre qui nous ramène vers les autres, voyage entre présent et passé.
Je construis d’abord, puis il me faut déconstruire pour créer de nouveaux petits paysages à partir de papiers que je peins, que je déchire, que je choisis et associe pour les coller, ensuite je redessine, comme une cartographie personnelle en résonance avec mes expériences. Ce travail révèle l’invisible, comble les oublis de la mémoire et des souvenirs, comme un puzzle, dévoile d’autres tracés possibles. Ce sont les bribes, les souvenances, la projection d’histoires passées, interrompues, de petits instants de bonheur fragile. »
Estelle BOULLIER
Entretien avec l’artiste
Quand avez-vous découvert votre créativité et qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de l’art ?
« J’étais enseignante, j’aimais beaucoup découvrir le travail des artistes et le faire partager à mes petits élèves, j’avais une attirance particulière pour les œuvres picturales…peintures, collages, sculptures…quelque chose d’immédiat, j’aimais aussi découvrir des artistes aux univers très différents (singulier, abstrait, contemporain…proche ou très loin de ma sensibilité…)
Cependant, je ne pratiquais pas personnellement, même si j’en avais envie et fais quelques essais…puis, dans le cadre d’un projet avec ma classe, j’ai rencontré une plasticienne et je me suis lancée en participant à des ateliers, puis en prenant des cours…
Au bout d’un an, un an et demi, j’ai commencé peu à peu à me construire, c’était le bon moment, j’avais sans doute beaucoup d’expériences à faire émerger, ce fut un déclencheur, et j’ai exposé en 2009. J’ai exposé dans différents lieux et peu à peu je m’affirmais un peu plus dans ma pratique…avec toujours des questionnements. J’avais besoin de trouver une certaine liberté, de travailler seule, pour approfondir ma pratique, exposer pour me confronter aux autres, et chercher, chercher pour suivre mes propres chemins. »
Quel est le rôle de l’art dans votre vie ?
« Pour moi cette pratique est essentielle, je me sens à ma place et plus libre quand je dessine. C’est une manière d’exprimer mon ressenti, mes sensations par rapport au monde qui m’entoure, mes expériences, c’est dérouler un fil personnel, mais qui me permet de communiquer aussi avec les autres, de créer un lien.
J’aime me retrouver dans mon atelier, pour partir en exploration…j’aime le silence, les mots me manquent parfois…c’est plus simple ou tout au moins c’est mon support de communication. Ce temps de création est un temps qui me permet de me ressourcer. »
Où et comment trouvez-vous l’inspiration ?
« J’ai commencé par explorer à tout va, puis j’ai travaillé sur l’identité (portraits primitifs), puis sur l’enfance avec un série passage et peu à peu le champ d’exploration s’est élargie sur la notion de territoires et de terres rêvées. Il y a un dialogue entre ce que à quoi je pense, et ce qui émerge sur le papier…une forme qui peut être le point de départ de nouvelles recherches, une expérience sensible, très intuitive…
J’aime l’idée de l’aléatoire dans mes collages, une balance, un équilibre que doucement se met en place, c’est cette exploration qui me plaît, avec parfois doutes et questionnements. »
Que voulez-vous transmettre avec vos œuvres ?
« J’essaye de transmettre mes sensations, de dérouler le fil d’une histoire qui est la mienne, et qui peut, peut-être toucher d’autres personnes.
Je me sens libre de suivre mes propres cheminements, j’essaye en tout cas, c’est un moyen de reconstruire, recomposer des expériences, des sensations, de combler des manques… »